La vision binoculaire fait partie de la vision normale d’un être humain en bonne santé, contrairement à un appareil photo, monoculaire. Elle permet de produire des effets visuels fondamentaux qui révèlent le volume et la profondeur d’un objet.
Lorsque les deux yeux travaillent en même temps et convergent simultanément sur un même objet, chaque œil produit une image différente de l’objet en fonction de sa propre perspective. Les deux images distinctes sont ensuite transmises au cerveau qui les superpose pour donner une image tridimensionnelle où la profondeur apparaît.
M. Sauteur a remarqué que chaque œil a effectivement son propre point de fuite mais qu’un flou se forme lorsqu’une image est perçue par les deux yeux simultanément.
Cette opération, explique-t-il, engendre un troisième point de fuite commun aux deux yeux qui fluctue au gré de la profondeur observée.
C’est ce que M. Sauteur parvient à représenter avec autant de précision.
“C’est cette profondeur d’une richesse infinie qui me fascine et que je cherche à révéler au monde”, affirme-t-il.
Albert Sauteur s’est donc attaché à questionner ce qu’est réellement la vision binoculaire, à la tester. Il s’est construit des appareils, sortes de petits théâtres où le regard se donne en spectacle et s’étonne lui-même. Il a aussi établi des échanges d’idées avec des scientifiques.
[…] Pédagogue dans l’âme, Albert Sauteur présente à côté de « ses dernières toiles qui surprennent la tradition », comme il dit, les objets qui lui ont servi et dans la configuration où il les a peints. Ces dispositifs permettent d’observer quelques aberrations, mais prouvent aussi que ces aberrations n’en sont pas. Tels que voir les arêtes d’un cube diverger et sa surface supérieure apparaître comme un trapèze élargi, alors que les conventions vous ont appris que ces lignes convergent. Vous en doutez? L’artiste a amené au Palais des Nations quelques-uns des appareils qui vous démontreront le phénomène.
Cette révélation par la peinture produit des effets réellement surprenants :
des lignes droites semblent brisées, des boules de billard, rigoureusement sphériques, se transforment en ovales, etc.
En n’ayant de cesse de représenter les objets tels qu’ils sont, M. Sauteur est parvenu à reproduire par la peinture ce que l’homme voit réellement.
En définitive, il représente sur la toile ce qui se passe automatiquement dans le cerveau d’un être humain doté d’une bonne vision binoculaire. Sur un même tableau, il peint l’objet tel que chaque œil le perçoit avant qu’une fusion ne s’opère pour produire une image unique. En créant un effet de miroir et en jouant subtilement avec les ombres, il saisit la profondeur des objets tels que le regard les perçoit dans la réalité.
L’artiste raconte l’histoire d’une jeune diplomate visiblement émue à la vue de ses tableaux qui déclara, au moment où elle prit conscience qu’elle souffrait d’une déficience la privant de la vision binoculaire, “en regardant ces tableaux, je vois pour la première fois ce que voient mes amis”.
Ce que M. Sauteur a réussi à faire en peinture s’apparente à ce que les cinéastes accomplissent en réalisant un film en 3D.
Si vous ôtez vos lunettes pendant la projection d’un film en 3D, vous remarquerez que les images qui apparaissent à l’écran donnent une impression de flou. Cette réalité s’explique par le fait que ces films font appel à la vision binoculaire en forçant le spectateur à voir deux images créées depuis deux endroits ou selon deux points de vue légèrement différents.
M. Sauteur a toujours été passionné de peinture et de dessin, bien qu’il n’ait pu se consacrer pleinement à sa vie d’artiste que sur le tard. Il débute sa vie en travaillant dans une ferme puis, plus par nécessité que par choix, il suit un apprentissage en mécanique de précision, une formation qui, au vu de la minutie de son travail, lui fut fort utile par la suite.
Il se tourne alors vers l’enseignement, mais il reste animé d’une passion ardente pour l’art. Il doit peindre, il le sait. Amèrement déçu par ses études artistiques, il décide de suivre sa propre voie à la recherche de la beauté et de la perfection.
Il entreprend de comprendre la mécanique de la peinture et de répondre à la multitude de questions qui l’assaillent. L’OMPI, une organisation qui œuvre à la défense des droits des artistes, représente pour lui un lieu idéal où exposer et faire connaître son œuvre et tout ce qu’elle représente.
Ses efforts inlassables ont porté leurs fruits et donné naissance à un nouveau concept révolutionnaire selon lequel “pour fixer la réalité, la perspective binoculaire est indispensable”. “C’est le seul moyen de représenter la réalité par l’art; c’est le seul moyen d’insuffler la vie à œuvre”, songe-t-il. “En fermant un œil, on perd l’infinie richesse du modèle”.
“Plus vous peignez l’image de la vie, plus l’œuvre gagne en émotion”, explique-t-il en référence à la madeleine de Proust qui lui inspira la toile qui allait lui révéler le secret de la perspective binoculaire.
Déterminé à comprendre puis à expliquer la perspective binoculaire
– chaque tableau est en réalité l’explication même de sa théorie
– M. Sauteur s’est construit une série d’appareils qu’il emporte avec lui et son atelier itinérant.
“C’est difficile d’aller à l’encontre d’un principe établi”, soupire-t-il, “les gens ont beaucoup de mal à comprendre qu’un principe universel appliqué depuis 500 ans puisse être faux. C’est ce qui me pousse à utiliser différents appareils, pour que le public éprouve directement ce dont il s’agit”.