I. PEINTURE À L’HUILE ET HUILE DE LIN
Le liant dans cette technique est l'huile de lin. Mais, quelle est la caractéristique fondamentale de l'huile de lin qui nous permettrait de comprendre sa «logique»? Contrairement aux autres huiles végétales comme l'huile d'olive ou de canola, l'huile de lin réagit chimiquement avec l'oxygène contenu dans l'air (un processus qui se nomme oxydation), pour lentement passer de l'état liquide à un gel puis à sa forme solide, et c'est pour cette raison que l'on dit de l'huile de lin qu'elle est siccative. L'huile de lin n'est bien sûr pas la seule huile siccative et donc, il ne s'agit pas de la seule huile que nous pourrions utiliser. L'huile d'oeillette, de carthame ou de noix sont des huiles semi siccatives, cependant on évite généralement de les utiliser comme huile de broyage, puisque ces huiles forment généralement des films de peinture qui sèchent plus lentement et qui sont plus fragiles que ceux fabriqués avec de l'huile de lin. Un aspect important de l'huile de lin, c'est qu'elle ne sèche pas. Elle s'oxyde et passe de l'état liquide à l'état solide et cette oxydation ne s'arrête pas lorsque la peinture est sèche, mais continue pendant des années. Le deuxième aspect important concernant la peinture à l'huile, c'est qu'il s'agit d'une technique dynamique, en ce sens qu'elle continue à réagir, à s'oxyder, à se transformer, même après que l'image ait été terminée, bref, c'est une technique vivante.
Fabriquer sa peinture à l’huile
Pour fabriquer soi-même sa peinture, tout ce dont vous avez besoin c'est: des spatules, un morceau de vitre qui puisse être maintenu fermement à une table de travail, vos pigments et de l'huile de lin. Voici la marche à suivre: prenez la quantité de pigment nécessaire pour votre session de peinture et déposez-la sur votre vitre. Ajoutez graduellement la quantité nécessaire d'huile pour mouiller les pigments en les mélangeant à l'aide de votre spatule. Une fois les pigments mouillés, vous devriez avoir quelque chose qui ressemble à de la peinture à l'huile mais qui a un aspect brut assez granuleux. Ainsi, la deuxième partie de votre travail consiste à disperser les pigments. Il s'agit simplement de continuer à mélanger la pâte en la broyant avec la spatule. Quand vous ferez cela, vous constaterez que les grumeaux (ou agrégats) vont rapetisser en devenant de plus en plus petit, puisque la pression que vous exercez via la spatule va briser la tendance naturelle des pigments secs à se coller les uns avec les autres. Vous observerez également durant cette étape un changement dans la consistance de la pâte ainsi que dans sa couleur. Nous vous recommandons d'utiliser une molette lorsque vous préparez une grande quantité de peinture à l'huile et lorsque vous désirez une peinture très fine. Mais pour les plus petites quantités, une spatule fait très bien l'affaire et vous pouvez même utiliser des spatules à mastic qui sont vendues dans les quincailleries.
L’utilisation des extendeurs dans la peinture à l’huile
Les extendeurs, aussi appelés pigments inertes ou pigments de charge, ont été utilisés depuis longtemps dans la peinture à l'huile. Même si l'on peut penser à prime abord qu'il s'agit de quelque chose de négatif, comme une forme d'adultération, nous croyons tout de même que les extendeurs possèdent beaucoup de vertus. Si ils sont utilisés en quantités raisonnables, ils permettent une économie sur le coût de fabrication de la peinture tout en permettant de contrôler la texture de celle-ci. Le Sulfate de Baryum et l'hydrate d'aluminium sont les deux extendeurs les plus communs; il s'agit de pigments blancs: Pw21, Pw24. Lorsque vous ajoutez n'importe lequel de ces deux pigments dans votre peinture, vous obtenez plus de peinture sans vraiment changer la couleur, puisque ces pigments blancs n'ont pratiquement aucune force de teinte.
Voici un exemple concret. Nous voulons préparer de la peinture à l'huile bleu de cobalt et nous décidons de remplacer ¼ de la quantité de pigments que nous aurions normalement utilisée par un extendeur. Nous pouvons observer qu'il n'y a aucun changement au niveau de la couleur ou de la force de la peinture, tout en arrivant à la même quantité de peinture à la fin. Nous aurons économisé 25% du coût de matériel, puisque le prix des extendeurs est tout à fait négligeable en comparaison de celui du pigment bleu de cobalt.
Donc, si vous avez un kilogramme d'un pigment onéreux et que vous voulez réduire vos coûts de matériaux, vous pouvez au moment de préparer vos couleurs, mélanger systématiquement vos pigments avec des extendeurs dans un ratio d'une partie d'extendeur pour trois parties de pigments. Vous obtenez l'équivalent d'un kilo et quart de pigments pour le prix d'un kilo, puisque l'extendeur ne vous coûte à peu près rien.
Bien sûr, l'économie n'est pas tout et les extendeurs jouent aussi un rôle pour stabiliser les couleurs à l'huile (spécialement l'hydrate et le stéarate d'aluminium).
Consistance des peintures à l’huile
Lorsque vous commencerez à broyer vos pigments, vous constaterez que certaines couleurs perdent leur consistance après un certain temps. Il s'agit d'un phénomène tout à fait naturel et il ne faut pas penser qu'un pigment est de moindre qualité à cause de cela. Le bleu ultramarin en est peut-être l'exemple le plus frappant. Lorsqu'il est préparé à l'huile sans extendeur et puis laissé sur la palette pour un certain temps, sa texture pâteuse se transforme peu à peu en un liquide s'apparentant à de la mélasse. La solution à ce problème est d'ajouter un stabilisateur à la peinture. L'hydrate et le stéarate d'aluminium, mais surtout la cire en pâte sont généralement utilisés pour contrôler la consistance de la peinture. Notre expérience est que le médium de cire en pâte (voir la section des recettes de médiums) corrige très bien ce problème si on l'incorpore à la peinture à l'huile.